Digital Nomad : le playbook pour travailler sereinement à l’étranger

Les statuts de Freelance International ou de Digital Nomad n’existent pas à la Sécu. Il faut donc regarder ce qui existe, voir dans quelle case vous allez rentrer et prendre les dispositions qui s’imposent pour vos frais de santé et votre prévoyance. C’est essentiel car en cas de problème grave, si vous n’êtes pas dans la bonne case, personne ne payera s’il n’est pas obligé de le faire. Vous retrouverez dans ce dossier tous les éléments à connaître afin de partir à l’étranger l’esprit léger.

Je travaille dans l’UE

Ne pas confondre tourisme et travail :

Lorsque vous voyagez en Europe, vous restez couvert par la Sécurité Sociale et pour faciliter votre accès aux soins il est conseillé de se munir de la Carte Européenne d’Assurance Maladie (CEAM). Lorsque vous travaillez sur le sol d’un autre pays de l’UE, ce n’est plus du tourisme et les règles sont claires : soit vous faites une procédure de détachement, soit vous vous rattachez au régime d’assurance maladie du pays où vous travaillez. Il n’y a pas d’autre alternative pour les Digital Nomad.

Vous choisissez le détachement :

Grâce au détachement, vous continuez à être couvert par la Sécurité Sociale française pour vos soins en France et dans votre pays de résidence. Pour faciliter l’accès aux soins dans le pays de résidence, vous pouvez utiliser la CEAM.

Le détachement peut durer jusqu’à 2 ans et ses conditions de mise en place sont précises et définies sur Ameli :

  • maintenir dans l’autre État les conditions vous permettant d’y reprendre l’exercice de votre activité à votre retour ;
  • y exercer votre activité depuis au moins 2 mois.

Quelle que soit votre région de résidence avant votre départ, les détachements sont gérés par l’URSSAF du Nord Pas de Calais. Vous devrez les contacter avant votre départ pour établir votre statut et disposer des documents de portabilité.

Cette solution est la plus simple si vous ne partez que quelques mois.

Vous choisissez le rattachement au système local :

C’est possible si vous vous établissez plus de 3 mois dans un autre pays. À ce moment-là vous quittez la Sécurité Sociale et vous rejoignez le système d’assurance maladie, prévoyance et retraite de votre pays d’accueil. Pour un rattachement immédiat, vous devez présenter les formulaires de portabilité délivrés par votre caisse avant le départ. Cette solution sera valable si vous prévoyez de rester à l’étranger un an ou plus.

Assurance de ma CB vs assurance voyage

Si vous êtes détaché, la CEAM permet d’utiliser le système de santé de votre pays d’accueil comme un résident local, mais elle ne signifie pas que tous les soins sont gratuits. Vous accèderez aux soins comme un résident local et vous payerez les mêmes choses. Par exemple, en Irlande, en Italie, en Espagne ou au Portugal, les soins seront gratuits dans le public, mais entièrement payant dans le privé. En Allemagne, en Belgique ou en Autriche, on aura un système plus proche du système français qui intervient partiellement pour les soins dans le privé.

Les frais que vous réglez dans le pays d’accueil pourront être remboursés par l’assurance voyage de votre CB mais avec plusieurs conditions :

  • Certaines banques demandent que les frais de voyage soient payés avec cette carte. Attention, si vous utilisez plusieurs cartes ou si vous utilisez un compte pro ;
  • Il faudra toujours penser à appeler l’assistance avant d’engager des soins ;
  • Il faudra d’abord demander le remboursement de la Sécurité Sociale avant que l’assurance de la CB paie le reste à charge ;
  • Les demandes de remboursements se font par courrier ;
  • Seuls les 90 premiers jours à l’étranger sont couverts.

Une assurance voyage individuelle peut être plus simple à utiliser, surtout s’il s’agit d’un contrat qui peut fonctionner plus de 90 jours :

  • Pas besoin de contacter l’assistance pour des frais de médecine courante, ni de demander un remboursement Sécu avant le remboursement de l’assureur ;
  • Les demandes de remboursement se font par application smartphone ou espace assuré en ligne ;
  • Des services de téléconsultations sont inclus.

Je travaille quelques mois hors UE

La question du domicile est cruciale :

Ca peut être difficile à concevoir quand on est Digital Nomad, mais la question du lieu de domicile sera essentielle ici. Il faut en outre savoir que le domicile « social » est différent du domicile « fiscal ». Si le domicile fiscal tient compte du lieu de résidence mais aussi de la provenance des revenus, le domicile social ne tient compte que du lieu de domicile habituel. Dans le cas de figure où votre séjour à l’étranger dépasse 6 mois, vous risquez donc ne plus être couvert par le système français, même si vous n’avez pas d’autre domicile clairement établi ailleurs.

Si vous conservez un domicile officiel et réel en France vous pouvez rester assuré à la Sécu qui vous couvrira sur la base française. La Sécurité Sociale peut vous demander de justifier de votre présence réelle en France en présentant notamment des factures d’électricité et des billets d’avion.

Il convient dans tous les cas d’adopter la bonne stratégie pour ne pas se retrouver dans une situation dramatique le jour où un accident survient.

Je choisis le détachement :

Initialement, un détaché est un salarié envoyé à l’étranger par son employeur pour une durée déterminée. Ce statut est maintenant accessible aux indépendants et donc aux freelances Digital Nomad, selon des règles strictes détaillées ci-dessous. Le détaché garde son système de protection sociale d’origine et continue donc de payer ses cotisations sociales dans son pays d’origine. Si vous êtes détaché, vous continuez d’être couvert par votre régime d’origine, à la fois pour la santé, la prévoyance et la retraite.

Pour être détaché, vous devez :

  • avoir exercé en indépendant en France pendant 2 mois minimum ;
  • et garder en France une structure permettant d’y reprendre votre activité à votre retour.

Si vous êtes détaché dans un pays qui a une convention avec la France, vous pourrez éviter d’avoir à payer les cotisations sociales dans le pays d’accueil. Pour les autres pays, il faudra payer les cotisations locales en plus des cotisations françaises.

C’est donc un statut avantageux en termes de protection, mais cher du fait des cotisations françaises à payer. Il n’est conseillé de le choisir que pour les séjours de moins d’un an.

Vous avez un doute sur le pays que vous ciblez ? International Santé permet de savoir en quelques clics les modalités de chaque pays en fonction de votre statut.

Je veux me passer de la Sécu :

Moins de 3 mois

Vous êtes Digital Nomad, mais seulement pour moins de 3 mois ? Se passer de la Sécu est impossible. Vous restez rattaché à la Sécu et vous pouvez souscrire à une assurance voyage économique qui couvrira vos urgences médicales. Pour cela, vous avez le choix entre 3 types d’assurances :

  • les assurances des cartes bancaires : pour que la garantie fonctionne, tous vos frais de voyage doivent être payés avec votre carte.
  • les assurances des voyagistes : vendues avec vos billets d’avion ou par votre agence de voyage, elles fonctionnent comme pour les assurances des CB.
  • les assurances individuelles : présentées par des organismes spécialistes d’assurance voyage, elles ont l’avantage de proposer des formules modulables.

Plus de 3 mois

Si vous partez plus de 3 mois, la Sécu n’a plus l’obligation de vous couvrir et vous devez normalement la prévenir de votre départ. Même si vous continuez à cotiser en France à travers un statut d’auto-entrepreneur, d’indépendant ou de salarié, la Sécu vous couvre pour les frais en France, mais n’a pas l’obligation de vous couvrir pour les frais dans votre pays d’accueil. Pour être couvert à l’étranger, vous devez alors souscrire une assurance santé et prévoyance privée. Vous aurez alors le choix entre :

  • Des assurances temporaires sur une durée de 4 mois à 1 an. Ce sont des formules économiques, entre 25 et 60€ / mois selon votre âge, qui couvrent toutes les urgences médicales sur place avec des plafonds entre 100000 € et 500000 €.
  • Des assurances expatriés long terme qui couvrent tous types de frais de santé, urgents ou non, avec des plafonds qui peuvent dépasser le million d’euros. Les coûts varient énormément en fonction de l’âge, du pays à couvrir et des garanties demandées. Elles coûtent environ 100 € / mois à 25 ans dans un pays aux frais de santé modérés et plus de 500 € par mois à 50 ans dans un pays cher tel que le Royaume Uni, Singapour, Dubaï ou le Brésil. Les pays “à la mode en 2022”, tels que le Mexique, l’Espagne, le Portugal, la Thaïlande, ou l’Indonésie, sont des pays où les coûts sont intermédiaires, et pour lesquels il peut y avoir de gros écarts de tarifs entre deux assureurs. On trouve des formules qui permettent de très bien se soigner dans le privé, pour moins de 150 € / mois à 30 ans.
  • Adhérer à la Caisse des Français de l’Etranger qui est l’équivalent international et facultatif de la Sécu et la compléter par une complémentaire expatrié adaptée. La CFE coûte entre 30 € / mois à 25 ans et 200 € à 65 ans.

Dans les pays ayant créé un visas spécifique pour les nomades numériques :

Une vingtaine de pays ont créé des visas spéciaux pour les Digital Nomad. Leur but était initialement de remplacer les touristes qui avaient quitté leur territoire avec la crise covid, mais aussi de régulariser des situations floues en éditant des règles claires facilitant la vie des voyageurs mais visant aussi à préserver les emplois locaux. Chacun de ces pays ont établis leurs propres critères mais d’une manière générale, il faut pouvoir démontrer, avant le départ, que cette activité free-lance vous rapporte déjà des revenus hors du pays de séjour, que vous n’allez pas démarcher des clients locaux, ni chercher du travail sur place.

A Dubaï, le Virtual Working Program, vous permet d’y travailler pendant 1 an. Il coûte 611$ USD au total, comprenant : les frais de dossier, de traitement et coûts liés au suivi médical mais également à l’obtention d’une carte d’identité des Émirats. Ce programme permet d’avoir accès à tous les services standard dont les résidents bénéficient, notamment l’utilisation des télécommunications, des services publics et l’accès à la scolarité.

Pour L’île Maurice ça sera Le Premium Visa, il est valable pour une période d’un an, avec une option de renouvellement.

En Thaïlande, vous avez le Smart Visa, un visa spécialement conçu pour attirer les travailleurs hautement qualifiés comme les investisseurs, les cadres et les entrepreneurs en démarrage qui souhaitent investir ou travailler en Thaïlande. Ceux qui détiennent le Smart Visa se verront accorder une autorisation de séjour de 4 ans maximum. Ils seront également exemptés de l’obligation de détention d’un permis de travail.

Voici une petite liste des pays et des visas qu’ils proposent : Croatie, Digital Nomad Visa ; Costa Rica, Residencia Temporal ; Argentine, Renista Visa ; Allemagne, Freelance Freiberufler Visa ; Malte, Digital Nomad Residency ; Bermudes, Work From Bermuda ; îles Caïman, Global Citizen Concierge ; L’île de la Barbade, Welcome Stamp ; Islande, Long-term visa ; Estonie, Visa numérique ; Colombie, M-Type Visa Freelancer ; Espagne, Visa travailleur indépendant Espagne ou Visa indépendant Espagne.

Je pars pour toujours… adieu Sécu

La notion de domicile social vs domicile fiscal :

La domiciliation fiscale détermine la nationalité de votre société ainsi que la fiscalité qui sera appliquée. En revanche, la domiciliation sociale dépend du lieu où vous résidez et où vous exercez votre activité et elle peut être différente de l’adresse de la domiciliation fiscale.

Tant que tout est en règle au niveau de l’administration, vous pouvez exercer une activité professionnelle depuis l’étranger. Si vous êtes un digital nomade qui passe plus de la moitié de l’année hors de France, vous restez généralement résident fiscal français si votre entreprise enregistrée en France relève de la fiscalité nationale. Si vous gardez un domicile personnel en France, vous pouvez domicilier votre entreprise à celui-ci. Vous devez tout de même vous assurer qu’une personne puisse récupérer votre courrier sur place, sinon, vous avez la possibilité de faire appel à une société de domiciliation d’entreprise.

Si vous passez un certain temps dans un pays, peut-être que vous devrez également relever de la fiscalité locale, soit sur les entreprises, soit sur les revenus des personnes physiques. Ces questions peuvent être réglées par une convention fiscale bilatérale entre votre pays d’accueil et la France. Ces conventions évitent les doublent impositions mais elles ne concernent pas forcément tous les revenus et chaque convention est différente. D’autre part, l’absence de convention avec la France entraîne une possible imposition dans les deux pays, en fonction de la législation de chacun des deux Etats.

Le recours aux conseils d’un avocat spécialisé peut s’imposer ici. Vous pouvez également trouver de l’assistance dans les chambres de commerces internationales.

Digital Nomad, évitez de payer des charges inutiles :

Quand vous partez pour toujours, l’opportunité de continuer à facturer vos services de France doit se poser pour éviter de payer des charges sociales inutiles pour la santé, la prévoyance et la retraite.

Penser à la retraite, même à 25 ans

Si votre activité professionnelle est domiciliée en France, peu importe votre statut, vous devez obligatoirement cotiser auprès de deux régimes de retraite : le régime de retraite de base et le régime de retraite complémentaire. Votre retraite est calculée comme si vous n’aviez pas quitté le territoire français.

Si votre activité est domiciliée dans votre pays de destination, vous cotisez localement et dans ce cas, les périodes validées à l’étranger sont prises en compte en fonction des accords de Sécurité sociale passés entre la France et d’autres pays.

Selon les conventions et la qualité du régime de retraite local, il faudra certainement passer par une épargne retraite individuelle. Dans ce cas, il faut mettre entre 10% et 15% de votre revenu de côté et commencer le plus tôt possible. Les cotisations retraites en France représentent plus de 20% des revenus des actifs. Il est en outre impossible de cotiser à la part retraite de la Caisse des Français de l’Etranger. Elle est réservée aux salariés.

Attention, pour ouvrir un plan épargne retraite individuel aujourd’hui il faut être résident fiscal français. En revanche vous pouvez le conserver même en vous installant à l’étranger. Pensez-donc bien à anticiper. Le plus tôt est le mieux car l’effet de temps long aura un impact exponentiel sur la croissance de votre épargne et donc de vos revenus à la retraite.

Nous vous conseillons de faire une simulation, c’est gratuit et non engageant. C’est dommage de passer à côté et de ne pas en profiter.

En cas d’arrêt de travail ou d’invalidité

Théoriquement, si vous cotisez en France, votre revenu sera de 50% du revenu moyen déclaré les 3 dernières années, plafonné à la tranche A de la Sécu. Une question pratique pourra cependant se poser : un arrêt de travail sous formulaire Cerfa doit être transmis dans les 48h. Comment le faire de l’étranger ? Aucune information ne semble disponible à ce sujet. Il faudra donc peut-être rentrer en France pour bénéficier de ce droit si votre incapacité de travail est amenée à durer. Si vous avez souscrit une assurance prévoyance complémentaire, vérifiez qu’elle vous couvre également si vous résidez à l’étranger. Ce n’est pas évident.

Si vous ne cotisez pas en France, vous pouvez souscrire une assurance prévoyance internationale qui pourra verser un capital décès, des indemnités journalières complémentaires et des rentes d’invalidité. Attention toutefois, les contrats couvrant les indépendants sont très rares.

L’assurance santé

Gardez un lien avec la Sécu : Comme mentionné plus haut, si vous partez pour plus de 6 mois, vous ne pourrez plus bénéficier des avantages du système français de santé. Vous ne serez plus couvert par la sécu mais vous pourrez tout de même maintenir certains de vos droits grâce à la CFE, qui est ouverte à tous les Français résidant à l’étranger. Comme son nom ne l’indique pas, la « Caisse des Français de l’Etranger » est également ouverte à tous les ressortissants de l’UE et de l’EEE résidant hors de France et de l’Union Européenne. Son adhésion est facultative, et elle ne donne qu’un remboursement partiel qui varie en fonction du pays de résidence (19% de la dépense pour une hospitalisation au Royaume Uni ou 66% au Maroc). Cela nécessite donc un remboursement complémentaire pour être couvert à 100%.

Les assurances « 1er euro »

Vous pouvez également choisir une assurance santé internationale qui fonctionne seule. Comme elles ne complètent pas un régime de base, elles sont dites au 1er euro. Les solutions sont nombreuses, tant sur le marché français que dans d’autres pays. Les assurances françaises présentent plusieurs avantages et sont appréciées par les Digital Nomad :

  • Elles sont plus facilement compréhensibles pour des français, sans franchise, co-payment ou co-insurance ;
  • Elles suivent globalement les règles de la Sécu pour savoir si un acte ou un médicament est remboursé. Dans d’autres pays, chaque assureur établi une liste des médicaments qu’il accepte de rembourser ;
  • Elles sont soumises à une règlementation beaucoup plus protectrice pour les assurés. L’assureur n’a pas le droit de pénaliser individuellement un assuré si son état de santé se dégrade. Ce n’est pas le cas ailleurs.

Les assurances locales

Vous pouvez choisir une assurance locale. Dans certains contrats à bas coût médical, ça peut être moins cher qu’une assurance internationale car les plafonds sont calculés sur la base des prix locaux. Ca peut être intéressant mais en cas de coup dur vous ne pourrez peut-être pas accéder aux hôpitaux que vous voulez et vous n’aurez pas de prestations de rapatriements. C’est donc à utiliser avec précaution et uniquement si vous maîtrisez bien le système de santé local et la règlementation locale.

Conclusion :

Que vous travailliez dans l’UE, hors UE pour quelques mois ou pour toujours, vous devez être conscient des démarches administratives et des conditions pour entrer et travailler dans votre pays d’accueil. Ne pas s’en préoccuper, c’est un peu comme conduire sans assurance. En France c’est interdit mais pas partout : tant qu’il ne se passe rien, tout va bien et on fait des économies, mais un jour ça peut être l’accident et là ça peut être dramatique. À présent vous avez toutes les informations nécessaire pour être Digital Nomad. Après avoir fait le point sur votre projet et votre protection sociale vous pouvez commencer les étapes pour partir à l’aventure.